dominations et oppressions

Les femmes trans et le féminisme

Quelques remarques rapides sur un débat qui agite le milieu féministe français en ce moment. Les féministes dites « radicales » et « matérialistes », autour de Pauline Arrighi et de Christine Delphy (voici la tribune écrite par la première et signée, notamment, par la seconde ; et voici, tant que l’on y est, une tribune dans Libération leur répond implicitement), aboutissent à des conséquences pratiques déplorables, à savoir une suspicion généralisée envers les femmes trans, soupçonnées d’être des hommes infiltrés dans les cercles féministes, mais elles mettent quand même le doigt sur un problème réel : il y a bel et bien un souci théorique dans la définition habituelle du « genre » (j’avais déjà évoqué ce point ici). En général on définit le genre comme le sexe social, le sexe tel qu’il est socialement construit et perçu, c’est-à-dire non seulement le fait d’être femme ou homme (la femaleness, la maleness) mais aussi toutes les caractéristiques sociales, tous les traits de caractère (la feminity, la masculinity), tous les préjugés, tous les droits, etc., qui sont associés à ces deux statuts. Et en même temps, on pense le genre sur le mode de l’auto-définition et de l’auto-construction : la majorité des féministes sont acquis-es à l’idée que le « genre » d’un individu, c’est la manière dont il se définit et se désigne, et que c’est pour cela que les femmes trans, qui se sentent femmes, sont des femmes, et que les hommes trans, qui se sentent hommes, sont des hommes.

Mais enfin, il y a quand même une tension entre ces deux définitions. D’un côté on a une définition sociale, de l’autre on a une définition individuelle. D‘un côté on est dans un paradigme de l’injonction, de l’assignation, de l’oppression, de l’étiquetage ; de l’autre côté on est dans un paradigme de la détermination libre. A première vue, c’est contradictoire, et je ne peux pas m’empêcher de trouver un certain mérite intellectuel à celles et ceux qui essaient de penser et de résoudre la contradiction, fût-ce violemment et brutalement, en assumant de privilégier l’un des deux paradigmes (le premier) sur l’autre (le second), comme le font Arrighi et ses allié-e-s. Après, je pense que ce n’est pas du tout la seule ni la meilleure façon de procéder. D’abord, Arrighi, Delphy et les autres négligent complètement le cas des femmes trans qui ont un bon « passing », c’est-à-dire qui passent socialement pour femmes, et dont on ne voit pas pourquoi elles ne seraient pas victimes de violences sexistes au même titre que les femmes cis. Ensuite, je pense qu’on peut avoir une approche beaucoup plus dialectique de la notion de genre, et qu’on peut estimer que le genre d’un individu se définit justement par l’interaction entre de l’individuel et du social, que c’est un mélange de tout cela qui constitue les caractéristiques de genre d’un individu, et que dans le cas où il y a visiblement conflit entre la manière dont un individu se perçoit et la manière dont il est socialement perçu, alors cela n’a aucun sens de vouloir rabattre son identité de genre, de manière non équivoque, sur l’une des étiquettes disponibles : homme, femme, mais aussi éventuellement agenre, non-binaire, etc. La manière la plus dialectique de penser les choses, à mon avis, c’est de dire que le genre d’une femme trans en début de transition n’est pas « homme », ni « femme », mais « trans », c’est-à-dire que la description adéquate de son identité de genre doit nécessairement faire droit à la discordance entre la perception sociale et le ressenti personnel.

Et par ailleurs, si la question est celle de la place des femmes trans dans les mouvements féministes, dans les réunions non mixtes, dans les collectifs de colleuses d’affiches contre les féminicides, c’est une manière bien simpliste et bien pauvre de la poser que de la réduire à celle-ci : tel individu est-il une femme ?

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Pavlenski, militant réactionnaire

Je pourrais commencer par dire que je n’ai aucune sympathie pour Benjamin Griveaux, qu’il ne m’inspire aucune espèce de compassion, que je hais tout ce qu’il représente politiquement, et vous savez quoi ? Je vais le faire. Maintenant, cela étant dit, il me semble important de condamner sans aucune espèce d’ambiguïté l’acte dont il a été victime, parce que quelles que soient les justifications minables de Pavlenski et quelles que soient les arguties sur les politiques réactionnaires et liberticides du parti macroniste, il n’empêche : Griveaux n’est pas la seule personne dont il s’agisse dans cette affaire.

Griveaux n’a pas été violé, certes, ni subi d’agression sexuelle physique, mais il a été victime de violence (au moins morale et psychologique), et cette violence touche à l’intime et au sexuel ; il n’est pas déplacé d’utiliser à propos de cette affaire l’expression de « violence sexuelle ». Et les violences sexuelles relèvent d’un registre d’action parfaitement toxique, quelle qu’en soit la victime. Enfin, que dirait-on une femme politique d’extrême droite était violée punitivement par un antifasciste ? « Bien fait pour elle, c’est une fasciste » ? « Circulez, y a rien à voir » ? Ce ne seraient évidemment pas les réactions appropriées. Le concept de « culture du viol » sert précisément à penser ce genre de situations, en décentrant le regard de chaque cas particulier, de chaque victime particulière, pour envisager les choses comme un problème général concernant non seulement la fréquence affolante des viols, mais aussi la tolérance dont on fait socialement preuve envers les viols et les violeurs. Et quand on prend le problème comme cela, on doit bien se rendre compte que pratiquer ou justifier un tel acte, même envers la pire des crapules, cela a pour conséquence sociale d’entretenir la culture du viol, en abaissant notre seuil de révulsion face au viol, etc.

Griveaux n’a pas été violé, certes, mais il a subi quelque chose que le code pénal nomme joliment « pornodivulgation », et que l’on appelle plus couramment « revenge porn ». C’est une forme de violence dont les femmes sont majoritairement victimes, qui relève et participe d’un sexisme structurel, qui sert à humilier la sexualité des femmes. Que la victime ici soit un homme, et un homme puissant, et un homme puissant et hétéro, ne change rien à ce fait. Il est irresponsable d’avoir la moindre indulgence pour un acte d’une part, un argumentaire d’autre part, qui contribuent, fût-ce contre la volonté de Pavlenski (admettons sa bonne foi…), à légitimer des pratiques de slut-shaming. Benjamin Griveaux n’est pas la seule victime.

Au fait, tout cela me rappelle d’assez près la pratique de l’outing punitif telle qu’elle était pratiquée et théorisée voilà quelques années par Act Up : il s’agissait de révéler publiquement l’homosexualité de personnalités politiques qui avaient pris des positions homophobes (Renaud Donnedieu de Vabres en avait fait les frais après qu’il eut participé à des manifestations anti-PACS). L’argumentaire d’Act Up et celui de Pavlenski sont assez similaires : il s’agit de dénoncer l’hypocrisie réactionnaire de ceux qui ne font pas ce qu’ils disent et qui reprochent aux autres de faire ce qu’eux-même font. Sans revenir sur le bien-fondé de telles accusations dans les cas précis de Donnedieu de Vabres ou de Griveaux, il me semble que cette pratique de l’outing punitif pose un gros problème éthique, en ceci qu’elle entérine le fait que l’homosexualité d’un adversaire politique constitue une vulnérabilité – et une vulnérabilité légitime, puisqu’on ne se gêne pas pour l’exploiter, puisqu’on s’en sert comme d’un levier pour nuire. Cela fait longtemps que je trouve qu’il y a quelque chose d’insidieusement réactionnaire dans cette pratique, qui consiste en fait à dire aux homosexuel-le-s qu’ils/elles n’ont pas tout à fait les mêmes droits que les hétéros (droits au nombre desquels je compte celui d’être réactionnaire), puisqu’ils/elles ont une vulnérabilité de plus, dont on ne manquera pas de se servir au nom de la cause. La critique de l’homophobie se retourne elle-même en homophobie larvée, de même que, dans le cas Griveaux, la critique du puritanisme se retourne elle-même en slut-shaming et en puritanisme larvé. L’enfer est pavé de bonnes intentions (quoique celles-ci, je l’avoue, me semblent plus nettes dans le cas d’Act Up que dans celui de Pavlenski).

Le racisme anti-blanc existe-t-il ? Une question mal posée

Note : J’avais déjà abordé cette question dans un billet assez ancien, et mes réflexions d’alors me paraissent toujours pertinentes, mais il me semble que dans ce billet-ci je décale un peu le point de vue et envisage les choses d’un peu plus haut.

Les débats sur le « racisme anti-blanc » sont pénibles. Les antiracistes les plus conscient-e-s expliquent généralement que « le racisme anti-blanc, ça n’existe pas », en se fondant pour cela sur une définition du « racisme » qui n’est pas la plus intuitive ni la plus courante, à savoir « système de domination sociale » plutôt que « trait psychologique individuel ».

Mais, premièrement, ces anti-racistes-là ne sont pas tout à fait cohérent-e-s : eux/elles-mêmes, en général, n’hésitent pas à traiter certains propos, certains comportements, certains individus, de « racistes ». Dans ce cas ils/elles n’ont aucun problème à faire du « racisme » une caractéristique, non seulement de la société dans son ensemble, mais aussi de tel propos, de tel comportement, de tel individu. Le racisme est donc bien aussi une question individuelle, personnelle, psychologique, même s’il n’est pas que cela. Et cela me paraît déjà constituer une objection à la thèse selon laquelle « le racisme anti-blanc n’existe pas ».

Et surtout, deuxièmement, se battre pour une question de définition n’a pas beaucoup d’intérêt. Sur Facebook, je vois très souvent des gens s’opposer sur la question de savoir si le racisme anti-blanc existe ou pas, chacun-e campant sur ses positions et ses définitions ; dans ces débats, les partisan-e-s de la thèse « oui » ont pour eux/elles, en gros, le dictionnaire, le sens commun, et l’usage courant du mot, et les partisan-e-s de la thèse « non » ont pour eux/elles des travaux de sociologue qui utilisent une définition plus spécifique du « racisme ». Mais comme toujours quand on débat sur le sens des mots, les arguments finissent toujours par manquer d’un appui solide, et on se retrouve vite à dire : « Le racisme, c’est ça ! », « Non, le racisme, c’est ça ! », « Moi je lis ce qui est écrit dans le dictionnaire ! », « Moi je suis plus formé-e que toi parce que j’ai lu de la socio », etc., avec des pelletées d’arguments d’autorité à l’appui. On s’enferme dans des discussions absurdes où la raison n’a plus aucun rôle à jouer, où personne ne peut sérieusement espérer convaincre quiconque – tout au plus, intimider ou impressionner son interlocuteur/trice.

On ferait vachement mieux, dans ces cas-là, de prendre un peu de distance par rapport à cette question mal posée, et d’entrer franchement dans le fond du problème, de se demander de quoi on parle, quel phénomène social on désigne, etc. Faire de la lutte contre le « racisme anti-blanc » une cause politique prioritaire est évidemment, au mieux une grave erreur, au pire une diversion ignoble ; mais rien n’impose que la seule réponse correcte à cette prise de position erronée soit de répéter comme un mantra que « le racisme anti-blanc n’existe pas » : il peut suffire de montrer, comme le faisait par exemple Albert Memmi, que le racisme des dominé-e-s contre les dominant-e-s est un « racisme édenté ». Notez bien que littéralement, analytiquement, si les dominé-e-s peuvent éprouver de la haine raciale, fût-elle édentée (c’est-à-dire impuissante, sans armes, sans force sociale), à l’égard des dominant-e-s, alors c’est bien que le racisme anti-blanc existe. Mais en vérité, et l’on touche là le coeur du problème, cela n’a pas beaucoup d’importance d’adopter un paradigme « memmiste » (et de parler de « racisme [antiblanc] édenté ») ou un paradigme plus mainstream-militant et de dire que le racisme antiblanc n’existe pas ; le tout est d’être un peu modeste quant au statut même de ce que l’on dit, et de ne pas prendre pour des vérités générales, intangibles, gravées dans le marbre, des assertions qui ne prennent en réalité leur sens que localement, dans leur opposition avec d’autres assertions, et qui surtout peuvent très bien n’être que des manières concurrentes, voire littéralement incompatibles, d’exprimer des réalités sociales identiques.

J’admire beaucoup par exemple que Sadri Khiari, dans ce texte, se retrouve à manier presque indifféremment les deux paradigmes concurrents, sans en paraître plus gêné que cela. À certains moments il explique que « le racisme est un système de domination » (ce qui semble exclure qu’un « racisme antiblanc » existe), à d’autres endroits il évoque la « haine raciale » des dominé-e-s et parle même, sans embarras, du « racisme anti-Blanc » qui a traversé les luttes des noir-e-s aux Etats-Unis. Il se retrouve aussi, à l’occasion, à utiliser une formule un peu étrange comme « racisme à proprement parlé » (sic), qui suggère que le « racisme anti-blanc » est bien un racisme, mais pas vraiment un vrai racisme, donc pas un racisme à proprement parler, donc pas tout à fait un racisme, etc. On aurait tort de prendre une telle formule pour la marque d’un embarras conceptuel : en fait, Khiari s’en fout, que le racisme anti-blanc « existe » ou non, et il a raison. Il fait un texte, lui ; il raisonne, il pense ; les mots qu’il emploie sont infiniment moins importants que l’argumentation où ils s’insèrent ; il ne se contente pas d’asséner des slogans.

Vincent Cassel épouse Tina Kunakey

J’ignorais tout de la vie affective de Vincent Cassel, et je n’en portais pas spécialement mal, jusqu’à ce que je tombe sur cet article écrit par une certaine Élodie Émery, à propos du mariage prochain entre l’acteur, âgé de 51 ans, et Tina Kunakey, 21 ans. L’article propose une analyse féministe de ces couples caractérisés par une grande différence d’âge, et où l’homme est le plus vieux.

D’abord, j’apprécie le ton relativement modéré de cet article, et son souci de déplacer la question d’un niveau individuel à un niveau collectif. En effet, s’il y a tellement d’hommes âgés qui sortent avec des femmes beaucoup plus jeunes, et que l’inverse est soit si rare, cela a forcément quelque chose à voir avec le sexisme, et en particulier avec l’idée que le capital érotique des femmes serait périssable beaucoup plus vite que celui des hommes.

Mais cette analyse très générale ne dit rien de la manière dont il faut considérer, individuellement, les hommes mûrs ou âgés qui sortent avec des femmes de 30 ans de moins qu’eux. Car après tout, ce n’est pas parce que la relation entre Vincent Cassel et Tina est colorée par le sexisme, que leur amour, qu’on espère réciproque, est insincère, inauthentique ou dégoûtant. Et surtout, si le problème est le fait qu’il y ait un déséquilibre entre les genres, alors Vincent Cassel est autant un symptôme de ce fait social que n’importe quelle femme de 50 ans qui ne sort pas avec un jeune homme de 20 ans.

Personnellement, je ne comprends pas comment on peut vouloir être en couple avec quelqu’un qui a 30 ans de plus ou de moins que soi. Indépendant même de tout critère d’attirance physique, les deux personnes ont une expérience tellement différente de la vie que cet écart d’âge me paraît assez rédhibitoire. Mais justement, on est là dans un domaine où je crois qu’il est important de ne pas chercher à tout comprendre. On n’est pas tou-te-s fait-e-s pareil, on ne recherche pas tou-te-s la même chose, et toute morale amoureuse bien faite doit partir de là.

En matière amoureuse, et sexuelle, c’est important de savoir renoncer à comprendre. De toute façon il y a toujours quelque chose d’un peu inexplicable dans l’amour. On tombe amoureux de A, pas de B, alors que B a tout pour plaire, on peut essayer de dire pourquoi a posteriori, mais pas rendre raison de son choix, qui n’en est pas un ; et puis C, qu’on aime bien, tombe amoureux de D, qu’on n’aime pas, et on trouve ça bizarre. Bon, tant pis.

Voici une expérience de pensée utile : mettez-vous à la place d’une personne asexuelle (qui n’a pas de désir sexuel), ou d’une personne dite « aromantique » (qui ne tombe pas amoureuse). Et demandez-vous quelle attitude d’esprit ces personnes-là doivent adopter pour ne considérer comme des cinglés ces gens bizarres qui sont la proie de sentiments si étranges, et qui trouvent un plaisir inexplicable à faire se rencontrer des organes si spécifiques de leur propre corps avec ceux d’une autre personne. Là non plus, il n’y a rien à comprendre, il y a juste à prendre acte – du fait que ça existe, du fait que les gens ne fonctionnent pas tous pareil. Maintenant, il s’agit de transposer cette attitude d’esprit éminemment saine, et de l’adopter soi-même face aux comportements sexuels et affectifs qui nous paraissent curieux, voire dérangeants[1].

Il n’y a aucun mérite à vouloir toujours tout comprendre, même ce qui y résiste. Un peu de réflexivité nous fait suffisamment voir qu’il y a beaucoup de choses, dans notre propre vie, dans notre propre conduite, qui sont parfaitement incompréhensibles vues du dehors, et qui pourraient très bien susciter la réprobation, la méfiance ou le dégoût de la part de gens qui ne se sentiraient pas concernées par elles. C’est trop tentant et trop facile de caricaturer les Vincent Cassel, Richard Gere et autres Johnny Depp en vieux dégueulasses bavant devant de la chair fraîche (et ce n’est pas tout à fait ce que fait cet article, certes, mais on ne sait jamais). Il me semble que dans ce genre de cas, la prudence et l’humilité valent beaucoup mieux.


[1] Voir aussi, à ce propos, ce que j’écrivais jadis – et – sur la pédophilie.

L’universalisme contre la morale des situations

Avant-hier, je discutais avec quelqu’un qui reprochait à la gagnante (israélienne) de l’Eurovision d’avoir été membre d’une armée coloniale d’occupation. J’ai objecté que ce reproche était injuste : en Israël le service militaire est obligatoire (brrrrr), y compris pour les femmes. Il m’a été répondu qu’il y a en Israël des objecteur/trice-s de conscience. Ce à quoi j’ai rétorqué que oui, peut-être, et ces gens-là sont des héros, mais ils/elles vont en prison, ce qui est une punition dure, et que moi-même la prison me terrifie, et que je ne peux décemment pas exiger des gens qu’ils aillent en prison, et que donc on ne peut pas reprocher à un-e Israélien-ne de faire l’armée.

C’est à peu près à ce moment-là que mon interlocuteur m’a traité de nazi, alors la discussion a pris fin, mais si elle avait continué j’aurais pu développer mon point de vue de la manière suivante : je suis, moi, un universaliste conséquent, et c’est pourquoi je n’accorde pas grand crédit aux morales des « situations », sartriennes, etc. Je ne vois pas très bien pourquoi le fait aléatoire d’être né-e ici imposerait plus de devoirs, un plus grand devoir d’héroïsme en l’occurrence, que le fait d’être né là. Version psychologique de cet argument théorique : je suis né en France, je vis dans un pays où le service militaire obligatoire a été supprimé, je n’ai jamais eu à choisir entre aller faire la guerre et faire un séjour en prison ; donc je ne vois pas très bien de quel droit je donnerais des leçons à ceux et celles qui ont dû faire ce choix.

Une constante de la pensée de gauche, quand même, c’est de lutter contre les fatalités sociales. C’est de faire en sorte qu’on ne soit pas mieux ou moins bien loti-e en fonction des hasards de la naissance. C’est, idéalement, essayer de construire un monde où le fait d’être né-e en France ou en Somalie n’aura pas d’incidence sur le bonheur des gens, ni le fait d’être né-e blanc-he ou noir-e, ni le fait d’être né-e homme ou femme, ni – dans la mesure du possible – le fait d’être né-e valide ou handicapé-e, ni le fait de devenir homo ou hétéro, etc. Mais il est aberrant et illogique de réintroduire par la fenêtre ce qu’on a chassé par la porte, de remplacer la fatalité sociale par la fatalité du devoir moral. On ne peut pas déplorer d’un côté que les gens soient traités différemment selon leur couleur de peau ou leur pays de naissance, et de l’autre les traiter soi-même différemment en leur appliquant des standards moraux différents.

Une objection possible et attendue consisterait à se dédouaner en reportant sur la situation elle-même la responsabilité du double standard : ce n’est pas moi qui impose un degré différent d’héroïsme aux Israélien-ne-s et aux Français-es, c’est « la situation » ; c’est le fait que, eux, pas de chance et tant pis pour eux, ils vivent dans un pays colonial militariste et brutal. Je vais être un peu taquin et puiser de manière opportuniste dans le vocabulaire sartrien, mais cette position me paraît, précisément, être le summum de la « mauvaise foi » (« c’est pas moi, c’est la situation »). Surtout, pour être moins taquin et plus précis, elle méconnaît le fait que porter un jugement moral est un acte, et pas un simple enregistrement passif de données déjà là. Prétendre que la situation impose à des gens d’être héroïques relève de l’idéalisme et de l’animisme : la situation n’impose rien, parce que le monde est silencieux. Par contre les gens qui parlent et qui donnent des ordres ou des conseils, eux, les gens qui distribuent des bons et des mauvais points, ils ont le choix de parler ou de se taire, et en l’occurrence c’est à eux de choisir, dans les jugements qu’ils forment et qu’ils énoncent, d’être xénophobes ou de ne pas l’être. Expliquer aux Israéliens qu’ils sont obligés d’être des héros, sous peine d’indignité morale, me paraît à peu près de même nature que d’expliquer aux femmes comment elles doivent se conduire ou s’habiller. Parenthèse : il est curieux que ceux-là et celles-là même qui sont les plus volontaristes en politique soient aussi les plus enclin-e-s à se laisser porter par les événements en matière de jugement moral, les plus pressé-e-s d’abdiquer à ce sujet toute liberté, au nom de l’évidence fallacieuse du conséquentialisme.

C’est un peu pour les mêmes raisons que j’ai du mal à digérer la manière dont Bouteldja et les bouteldjistes expliquent aux femmes et aux gays indigènes comment il faut se comporter pour la cause (c’est-à-dire la seule qui vaille, bien sûr, l’antiracisme). Je suis tout à fait prêt à admettre que les gays et les femmes indigènes soient parfois clivé-e-s entre des fidélités contradictoires. Mais ce constat devrait nous pousser à conclure que les individus concernés, pris dans des situations délicates, doivent pouvoir se dépatouiller comme ils le veulent et le peuvent, le mieux possible, pour les autres mais d’abord pour eux-mêmes. Du constat, qu’on peut tenir pour vrai pour les besoins de la discussion, à l’injonction politico-morale, il y a un saut qu’on ne saurait franchir si aisément. Et considérer que les gays et les femmes indigènes doivent s’astreindre à des sacrifices qui sont épargnés aux gays et aux femmes blanc-he-s, cela me paraît relever d’une pensée qui est en l’occurrence moins sexiste ou homophobe que, tout simplement, raciste.

Les trois essentialismes

Il est d’usage de distinguer deux formes de racisme, ou deux étapes dans l’histoire de l’essentialisme racial.

Le premier est un essentialisme biologique, en vertu duquel les caractéristiques propres à chaque race seraient inscrites dans la biologie dans individus, par exemple dans leurs gènes.

Le second est un essentialisme culturaliste, en vertu duquel les caractéristiques propres à chaque groupe d’individus seraient déterminées par leur culture. Le racisme biologique ayant été durablement discrédité par diverses horreurs intervenues au cours du XXe siècle, c’est le racisme culturaliste qui l’a remplacé dans le discours politique contemporain, notamment d’extrême droite. Ce racisme culturaliste peut s’attaquer à des groupes qui ont été précédemment racisés sur une base biologique, comme les noir-e-s ou les juif/ve-s, mais aussi, du coup, à des groupes identifiés par leur culture, ou leur religion. C’est à ce titre qu’on peut considérer l’islamophobie comme un racisme.

En ce qui concerne l’essentialisme racial, le second type a à peu près totalement éradiqué le premier. Pour d’autres formes d’essentialisation, il semble que ce ne soit pas le cas. Ainsi, l’essentialisme de genre continue à faire fond sur certains résultats obtenus en neurosciences. C’est en raison de caractéristiques neurologiques, donc biologiques, propres, que les femmes sont supposées [en], par exemple, avoir plus d’inclination que les hommes pour les métiers où elles se trouvent en contact avec des êtres humains plutôt que pour ceux où elles se trouvent en contact avec des objets.

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À ce stade, je voudrais préciser mon choix terminologique consistant à parler d’« essentialisme » plutôt que d’autre chose, comme de « racisme » ou de « sexisme », ou même de « X-phobie »* puisque j’ai jadis inventé ce mot pour cela. Mais le problème, c’est que les mots racisme, sexisme ou X-phobie sont à la fois descriptifs et évaluatifs : en même temps qu’on rend compte analytiquement d’un système de pensée, on le condamne par le mot même qu’on emploie pour le désigner (c’est un problème dont je me plaignais déjà à la fin de cet article). Or je voudrais, ici, suspendre le jugement de valeur sur les idéologies et les discours évoqué-e-s – même si bien sûr, je n’interdis à personne de penser qu’il est idiot de croire que les noir-e-s sont génétiquement paresseux/ses. Mais en ce qui concerne l’exemple mentionné à la fin du précédent paragraphe, je n’ai pas envie d’avoir à me prononcer sur l’existence ou non d’une inclination neurologiquement déterminée des femmes (ou, symétriquement, des hommes) envers telles ou telles activités. Essentialisme m’a l’air plus neutre.

S’agit-il d’« essentialisme », cependant, lorsqu’on ne prétend pas que les individus sont strictement déterminés par les caractéristiques biologiques de leur groupe d’appartenance, mais seulement qu’il y a des régularités observables qui sont d’ordre statistique ? Car personne ne prétend que toutes les femmes aient une inclination pour les métiers orientés vers les personnes. En fait, je garde essentialisme parce que je ne vois pas tellement d’autres mots convenables. Mais en effet, il ne s’agit pas tout à fait du même « essentialisme » que celui que l’on mobilise lorsqu’on définit une catégorie par son « essence » et que l’appartenance d’un objet à cette catégorie dépend de sa participation à cette essence – ainsi, j’appellerais « essentialiste » une démarche par laquelle je définirais la poésie par la présence de vers rimés, et j’exclurais au nom de cette essence les Petits Poèmes en prose de Baudelaire de ce que j’appellerais « poésie ». Il y a là de quoi distinguer un essentialisme fort et un essentialisme faible – et c’est plutôt le second qui m’intéresse.

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À présent, il reste à examiner une troisième forme possible d’essentialisme, qui me semble être logiquement appelée par l’histoire à se réaliser sous une forme ou sous une autre, et qui d’ailleurs existe peut-être déjà : il s’agirait d’un essentialisme au carré, ou encore d’un essentialisme constructiviste, ou d’un méta-essentialisme (choisissez le terme que vous préférez), qui considèreraient les caractéristiques des groupes sociaux, non pas déterminées par la biologie, non pas déterminées par la culture desdits groupes, mais par leur essentialisation elle-même. Mais n’est-ce pas le discours militant antiraciste lui-même qui nous permet d’envisager cette perspective, lorsqu’il explique – à juste titre, selon moi – que les races sociales existent, en tant que produit du racisme, donc de la racisation, donc de l’essentialisation ? La blanchité et la non-blanchité deviennent des concepts pertinents, non au regard de leur vérité biologique ni parce qu’il y aurait une culture blanche et une culture non blanche plus ou moins éternelles, mais parce que les blanc-he-s et les non-blanc-he-s (et parmi ceux/celles-ci, les noir-e-s, les arabes, les asiatiques, etc.) sont incité-e-s par le système raciste à se comporter de telle ou telle manière.

En matière d’essentialisme de genre, cet essentialisme-là va même assez loin, puisqu’on lit assez fréquemment, sous la plume de féministes, l’idée que les hommes seraient tous des oppresseurs à divers degrés, précisément à cause de leur éducation et de leur socialisation masculine, donc à cause de leur appartenance à une société qui repose implicitement sur une répartition essentialiste des rôles de genre. Cet essentialisme-là, d’ailleurs, et bien que progressiste (en tant qu’il est conçu comme un outil théorique de la lutte contre le sexisme), est beaucoup plus rigide, et beaucoup plus universel dans son application, que l’essentialisme culturaliste du deuxième type. Il peut se trouver des féministes qui disent que tout homme est un oppresseur, alors qu’aucun-e sexiste ne prétendra (plus) que toutes les femmes aiment le contact humain, et qu’aucun-e raciste ne pense (plus) que tous les musulman-e-s sont contre la démocratie.

Je cite là des usages a priori progressistes de cet essentialisme constructiviste. Cela permet de bien faire comprendre ce dont je parle. Mais rien ne s’oppose à ce que de tels schèmes de pensée servent aussi à des usages réactionnaires : on pourrait, par exemple, prendre acte de l’essentialisation antécédente d’un groupe pour justifier un mépris, voire une violence, à leur égard. Sans pouvoir citer de sources précises, il me semble avoir déjà croisé de la littérature antisémite ancienne où le mépris envers les juif/ve-s était justifié par leur disposition supposément victimaire, elle-même découlant de persécutions bien réelles qu’ils/elles ont subies.

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Il me semble qu’il y a aujourd’hui, en France, un mouvement qui est assez fort pour exploiter de manière très ambiguë cette forme-là d’essentialisme : le Parti des indigènes de la République. Que ces gens disent-ils des juif/ve-s ? Qu’ils/elles sont, parmi les racisé-e-s, ceux et celles qui sont le plus près d’accéder au privilège de la blanchité, sans toutefois jamais pouvoir y accéder complètement, et qu’ils/elles se retrouvent, à cause d’une histoire juive faite d’oppression et de persécution, à jouer le rôle d’allié-e-s aussi objectif/ve-s qu’inconfortables du colonialisme. Que disent-ils/elles des gays, et des gays de banlieue en particulier ? Que leur essentialisation comme figures de la modernité sexuelle fait d’eux les fers de lance de l’homonationalisme et du racisme. Toutes les analyses sociologiques de gauche sur le caractère socialement construit des catégories de race, de genre, d’orientation sexuelle, etc., se retrouvent dans discours du PIR. Et cela rend, à mon avis, définitivement caduque toute tentative de stigmatisation du PIR qui consisterait, sur la base de leur homophobie, de leur antisémitisme ou de leur sexisme, à les rapprocher de l’extrême droite ou à les inclure dans des filiations politiques avec lesquelles ils/elles n’ont rien à voir. Mais il n’en reste pas moins qu’il y a de l’essentialisation. Et que pour le coup, autant il peut sans doute y avoir dans certains cas une essentialisation constructiviste progressiste, autant lorsque cet essentialisme constructiviste a pour conséquence, dans le discours du PIR, d’enjoindre aux gays de banlieue de ne pas faire leur coming-out pour ne pas nuire à la cause (antiraciste – la seule qui vaille !), ou aux racisé-e-s de ne pas faire de mariage mixte, ou aux femmes racisées de demeurer solidaires de leurs maris violents, alors l’essentialisation est bien mise au service d’un discours réactionnaire, et le relève pleinement, pour le coup, de l’homophobie, du racisme ou du sexisme.

Tout cela dit, entre autres, pour décrisper un peu les débats sur le PIR. Les demi-habiles des deux bords s’en donnent à cœur joie. D’un côté, des universalistes neuneus et pleins de bonnes intentions, mais fort peu subtils, versent sans autre forme de procès le PIR dans le camp de l’extrême droite, utilisant l’antisémitisme comme un épouvantail, sans voir l’essentiel, qui est que l’antisémitisme du PIR est un antisémitisme sui generis. De l’autre côté, les bouteldjobéat-e-s absolvent leur égérie en se laissant complaisamment abuser par ses sinuosités rhétoriques et en invoquant, en quelque sorte, le caractère sui generis des positions X-phobes* du PIR pour ne pas voir qu’elles sont, quand même, X-phobes : homophobes, sexistes, antisémites. La critique du PIR me paraît nécessaire, mais on ne s’en sortira pas par des courts-circuits paresseux qui reviendraient à plaquer sur l’idéologie du PIR des schémas pré-existants : la moindre des choses est tout de même de lui reconnaître une certaine originalité, voire une certaine audace, théoriques. Ça ne veut pas dire qu’il a raison.

Marxisme et morale

Il y a un problème autour de la question de la normativité, de la morale, dans le marxisme. Est-ce que le capitalisme est injuste, est-ce que le communisme est juste, et selon quels critères ? Je suppose que les gens qui deviennent communistes le deviennent souvent pour des raisons morales : ils sont convaincus que l’état actuel du monde est moralement inacceptable et insoutenable. Cependant, il y a dans la tradition marxiste, et chez Marx lui-même, une tendance à essayer de se passer des critères moraux. Ainsi, Marx dit parfois très clairement, contre Proudhon notamment, que l’exploitation, ce n’est pas du « vol » ; l’exploitation se définit scientifiquement par l’extraction de survaleur, mais on n’a pas besoin d’ajouter à cette définition une considération morale. Pourtant, bien sûr, quand on parle d’« exploitation » aujourd’hui (et peut-être déjà à l’époque de Marx ?), la plupart des gens vont considérer que ce concept porte intrinsèquement un jugement de valeur négatif : ils sont convaincus que l’exploitation, c’est mal, et que cette dimension fait partie du mot, ou du concept lui-même.

On comprend ce qui gêne les marxistes dans cette idée qu’il faudrait un critère moral pour s’opposer au capitalisme : le soupçon d’idéalisme. S’il y a une morale à invoquer contre le capitalisme et en faveur du communisme, d’où vient-elle ? D’où la tentation de remplacer les lois morales par les lois de l’histoire : indépendamment même du fait qu’il soit moral ou immoral, le capitalisme – nous dit Marx – est condamné par l’histoire, il est fondamentalement instable, il est voué à des crises à des répétitions. Dans ces conditions, être communiste, c’est juste de l’amor fati à l’échelle collective. Éventuellement, dans une perspective écologiste, il s’agit de sortir du capitalisme avant que celui-ci n’ait détruit la planète et l’humanité. Mais même cet impératif de survie peut être considéré, à la rigueur, comme un impératif infra-moral.

Mais au cours de l’histoire, les militant-e-s marxistes ont appris à combiner à leur combat anticapitaliste des combats non strictement réductibles à celui-ci, comme l’antiracisme, le féminisme ou les luttes LGBTI. Et j’ai l’impression que ces mouvements nous obligent à penser l’irréductible dimension morale de la lutte politique. Parce que contrairement au capitalisme, ni le patriarcat, ni le racisme, ni l’homophobie ne sont des systèmes qui, dans leurs lois internes, sont fondamentalement instables ou voués à connaître des crises cycliques. Aucun de ces systèmes ne menace, comme peut le faire le capitalisme, la survie même de l’humanité : même si on massacrait tou-te-s les homos, même si on exterminait plusieurs races, même si on réduisait toutes les femmes en esclavage, l’humanité pourrait survivre. On peut considérer que ces oppressions sont appelées à disparaître en tant qu’elles sont le produit idéologique d’un système capitaliste lui-même voué à disparaître ; mais ceci ne dit pas pourquoi il faudrait, dans le présent, lutter contre elles. En vérité, les lois de l’histoire ne nous sont d’aucun secours sur ces questions. Pour être antiraciste, antisexiste, antihomophobe, il faut de la morale, donc il faut faire appel à une normativité. Venue d’où ? je ne sais pas, mais il en faut une.

Et aujourd’hui, il y a les antispécistes, à qui je suis reconnaissant de porter haut le flambeau de la morale en politique. Je ne suis pas d’accord avec leurs raisonnements, mais ce n’est pas la question : au moins, eux/elles, ils/elles assument que leur combat n’est pas réductible à l’accompagnement de l’histoire en marche, ni à la tentative de conjurer une catastrophe. Ce combat ne peut même pas se fonder sur le ralliement passif à une lutte préexistante chez les concerné-e-s, car s’il y a eu des révoltes d’esclaves, s’il y a eu des émeutes gays, il n’y a jamais eu un syndicat des bêtes. Toute considération écologique mise à part (mais l’antispécisme n’est pas intégralement soluble dans l’écologie), le maintien d’un ordre où l’être humain domine, exploite et tue les animaux n’a rien d’incompatible avec la survie de l’humanité, ni même avec le socialisme. Et la lutte de classes, d’ailleurs, n’a pas grand-chose à gagner à intégrer dans son agenda la question de l’antispécisme. Bref, l’impératif antispéciste, s’il existe, vient forcément d’ailleurs, et ce n’est pas pour rien que les militant-e-s antispécistes s’appuient volontiers sur les auteurs les plus classiques de la philosophie morale, utilitariste (dans le cas de Peter Singer) ou kantien (dans le cas de Tom Regan).

Et tant mieux. C’est très bien de forcer les marxistes à se positionner sur des questions morales, à faire de la morale, parce que de toute façon, en vrai, qu’ils/elles le reconnaissent ou pas, ils/elles en font. Évidemment, Marx lui-même était révolté par le capitalisme. Et tou-te-s les marxistes, qu’ils/elles s’en défendent on non, sont mu-e-s par le sentiment d’injustice qui les saisit à la vue de la misère.

Mais c’est très bien, aussi, de forcer le marxisme à descendre dans l’arène, à assumer sa dimension morale, et à discuter, système contre système, avec d’autres théories concurrentes de la justice. Et si, comme le pensent certains auteurs, il y a du kantisme dans le marxisme, alors c’est parfait : il pourra y avoir des débats avec d’autres théories politiques kantiennes, comme celles de Rawls, de Dworkin ou de Nozick. Mais plus question, alors, pour le marxisme, d’adopter une position de surplomb et de considérer que tous ces gens ne parlent pas le même langage que lui.